Devant le jardin qui longeait l'imposant bâtiment destiné aux salles d'entrainements, assis sur le bord d'une terrasse de bois, Kensey contemplait un bassin de carpes koï. Il prit une feuille, s'en servit comme contenant pour du tabac, roula cette feuille, en lécha un côté, et colla cette feuille. Finalement, il alluma cette cigarette, et tout en fumant, il se mit à penser. Sa tête, depuis quelques temps, était pleine de pensées. Depuis sa rencontre avec le petit garçon. Celui qui vivait dans la maison de son enfance. Une maison pleine de cris, de larmes. Il rejeta ces idées, entendant encore les pleurs et les heurts dans les murs. Il se souvint un instant de tout ces yeux accusateurs tournés vers lui, et contempla soudain sa clope. Sa roulée. Il était habitué à cet exercice depuis quoi... 50 ans déja, et ce rituel était devenu indispensable, comme tant d'autres... Depuis... Œil... les évènements, celui de l'entrainement était devenu de plus en plus long, au fur et à mesure qu'il répétait les mêmes exercices, les mêmes passes, les mêmes katas. Aujourd'hui, il tenait à y ajouter de nouveaux exercices. Il le fallait, s'il voulait chasser ses démons, s'il voulait pouvoir se séparer de sa conscience un instant. Il devait noyer ses sentiments. Il se souvint un instant de la maxime préférée d'un de ses entraineurs : "Un guerrier doit abandonner toute préoccupation." Il sourit un instant, mais ses yeux étais mornes, presque vides. Kensey écrasa sa cigarette, la jeta au loin, et salua les carpes avant de se diriger vers la salle d'entraînement.

Kensey fit lentement le tour de la salle vide, se plaça finalement au centre même, et entama la longue série du Tai chi Quan, préparant son corps par le souffle, se concentrant sur son reiatsu. Il le laissa petit à petit s'exprimer, se durcir, se mouvoir, et l'envahir. Puis il accéléra le rythme de ses gestes, et laissa son reiatsu réagir à ses mouvements, le projeta. Son énergie irradiait de ses paumes, de ses poings, au fur et à mesure que seses gestes devenaient rapides, souples, et puissants. Kensey sentait presque l'air se dilater autours de ses membres, et au final, il laissa exploser son énergie. La pression au maximum, il se mit en garde, et entama une longue série de katas, de coups de pieds, de poings, venus de la boxe, du kung fu, du tae kwon do, du kraft-naga, de tout ces arts du combat qui faisaient ses talents d'adaptation, avant d'enfin se mettre de garde pour son exercice à mains nues préférées. Concentrant son reiatsu sur ses paumes, il frappa vers l'un des mannequins de bois qui pendaient le long d'un des murs, projetant le plus possible de son énergie brute. Le mannequin trembla, craqua un instant, d'un bruit d'os brisé qui sonna comme un coup de tonnerre et s'affaissa de nouveau, inerte.

Kensey s'était échauffé, et il lui pressait de continuer. Il prit son katana, et décida de commencer par l'iaido. Les deux pieds sur le même axe, le buste penché vers l'avant, la main gauche sur le fourreau, la droite sur le pommeau, la lame légèrement tirée, il se concentrait. Il ressentait chaque fibre de son corps, chaque parcelle de son être. Son Reiatsu l'emplissait, et son corps tout entier était tendu vers cette idée fixe : trancher. En un instant, il se fendit, tout en tirant son sabre, dégainant en un mouvement horizontal. La lame fendit l'air en un éclair, sifflant comme une bise d'été. Son mouvement finit, Kensey rengaina son sabre, mesura du regard la courte distance qu'il avait parcouru. trois mètres d'allonge, ce n'était pas suffisant. Il était trop lent, trop lourd. Il recommença, encore, et encore, jusqu'à être satisfait de la distance qui le séparait de son point de départ. Puis il recommença, en frappant verticalement cette fois. de haut en bas, puis de bas en haut. Il continua par quelques katas, et se décida à faire une pause.

Il était profondément insatisfait de lui. Il était faible, et sa technique, mauvaise. S'il ne progressait pas, jamais il ne pourrait se rendre utile. Jamais il ne pourrait protéger qui que ce soit, et jamais il ne pourrait regagner la fierté qu'il avait perdue. Il devait progresser. A tout prix.

Le sabre tiré, il fendit l'air verticalement, frappant un adversaire invisible, avant de changer de garde, frappant de haut en bas, se retourna, frappa de nouveau, changea de garde pour parer, contrer, esquiver, disparu d'un shunpo rapide, enchaîna d'un coup rasant le sol, redisparu, frappa depuis les airs, disparu de nouveau. Enchainant les shunpos, il dardait de coups un adversaire fictif, tentait de briser sa garde, cherchait une ouverture.

Il savait bien que cet adversaire n'existait pas, qu'il ne pourraît jamais le vaincre. Son sabre fendait l'air, mais il n'atteindrait jamais sa honte, ne dissiperais jamais ses doutes. Un regard enfantin se posa sur lui depuis le tréfond de sa conscience, et il chûta.

Reprenant position, il garda le fourreau en main, sabre engainé. Il contra un coup invisible tout en dégainant, détourna la lame invisible de son fourreau tout en portant un coup d'estoc inutile, contra une nouvelle lame, frappa du fourreau, tournoya, frappa de la lame, se glissa dans le dos de son adversaire, le poussa, le pressa, dût reculer face à ses démons, persista dans son combat. Haletant, il décida d'une courte pause avant de s'entraîner à utiliser le kidô et le kendô. La dernière phase de son entrainement consisterait à employer indifféremment kidô, kendô et shunpô.

Pour le moment, il devait se reposer, quelques instants, et méditer. Ses yeux se posèrent sur la flamme d'une bougie, et il calma son souffle en s'imposant les idées et sensations qui lui permettraient de se concentrer:



Apaisé, Kensey se releva, continua ses enchaînements. Il n'avait pas de tâches aujourd'hui, et comptait bien la passer à s'entrainer. S'entrainer, sans s'arrêter, devenir meilleur, plus fort, plus rapide, il devait devenir fort. Il servait l'harmonie, mais il ne parvenait même pas à se servir lui-même. Il devait protéger les humains, mais ne pouvait pas même protéger sa famille.

Rageusement, il noyait sa honte dans l'entrainement. Sa honte. Il ne voyait plus que ça. Toujours, son esprit revenait à ça. A sa sœur. Sa pauvre sœur. Elle qui était si bien née, si fraîche, sa sœur qui avait fait la seule erreur de naître. Ou lui trop tard. Il n'avait pas pu la protéger. Malgré ses promesses. Il se haïssait pour ça. Il se souvenait de la seule chose qu'aie jamais dit le garçonnet. La seule phrase, une phrase terrible.


Debout, tétanisé, Kensai fixait le sol, le visage absent, le regard vide. Un rictus se dessina sur son visage, suivit d'un léger frisson. De terreur. Son esprit se débattait frénétiquement, tentais de faire la part des choses, sans pouvoir y parvenir. Il releva la tête, considéra ou il était. Regarda un instant son sabre dans sa main droite. Il esquissa un moulinet sur sa gauche, et alors que son sabre atteignait le sommet de sa révolution, il frappa, se fendant. Pendant un court instant, il était plus rapide que jamais, avait ressentit un léger temps de déséquilibre. Au même instant, il poussa du pied gauche, et disparu. Il était au-dessus, frappant le sol. Sa lame s'abattait verticalement, quand ses pieds , à l'approche du sol, esquissaient une nouvelle poussée légère. Il était derrière, donnant un coup de pied circulaire, avant de réapparaitre soudain sur le côté, feintant de droite pour frapper de dessus, il esquissait un kidô faible, attaquait d'estoc. Le shunpo était un réflexe, le kidô l'expression de sa volonté, son sabre était son complément. apparaissait aussi vite qu'il disparaissait, poursuivant sa cible imaginaire toujours habile à le parer.

Il devinait ce qu'il se passait. Mais il n'osait le formuler. Kensey s'arrêta soudain. Une minute était passée, une heure pour lui. Kensey fit un instant la part des choses. Son sabre... avait changé, imperceptiblement. Tournant un instant son poignet, le reflet lui fit comprendre. Il miroitait. Vérifiant que personne ne le voyait, il tira la lame secrète, la considéra. Sa lame reflétait son propre visage.


Une seule possibilité. Son sabre s'était transformé, et il avait entendu cette phrase. Cette phrase. Son arme. Il avait soif de combat. Chaque hollow qu'il abattait, il espérait venger le meurtrier. Il voulait venger sa sœur.

Kensey frappa rageusement dans l'air, de manière désordonnée, absurde, jusqu'à lâcher son sabre, et s'écrouler dans sa tristesse.